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Research

Revue de la politique et du cadre réglementaire de l´optimisation de la gestion des antimicrobiens au Burkina Faso

Revue de la politique et du cadre réglementaire de l´optimisation de la gestion des antimicrobiens au Burkina Faso

Review of the policy and regulatory framework for optimized use of antimicrobial agents in Burkina Faso

Boukary Sana1,&, Ahmed Kaboré2, Abdoul Salam Ouédraogo3,4, Olivier Oula Ibrahim Traoré5, Savadogo Saybou6, Rasmane Semdé2

 

1Pharmacie Amirbouba, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 2Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso, 3Université Nazi Boni, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 4Centre Hospitalier Universitaire Souro Sanou, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 5Agence Nationale de Régulation Pharmaceutique, Ouagadougou, Burkina Faso, 6Laboratoire National de Santé Publique, Ouagadougou, Burkina Faso

 

 

&Auteur correspondant
Boukary Sana, Pharmacie Amirbouba, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso

 

 

Résumé

Introduction: la résistance aux antimicrobiens est l'un des plus graves problèmes de santé publique mondiaux, elle est accélérée par une utilisation inappropriée des antimicrobiens. Dans un tel contexte il était nécessaire de faire une revue de la politique et de l'environnement du cadre règlementaire de la gestion des antimicrobiens au Burkina Faso.

 

Méthodes: une revue documentaire du cadre réglementaire des antimicrobiens au niveau de la santé humaine a été réalisée. L'outil de référence de l'OMS pour les capacités du règlement sanitaire international et l'évaluation externe conjointe ont été utilisés.

 

Résultats: cette revue a montré une implication de plusieurs départements du ministère de la santé dans la gestion de la résistance aux antimicrobiens et de la gestion des antimicrobiens. Elle a également mis en évidence les approches utilisées par le Burkina Faso pour réglementer les médicaments en général en utilisant la législation pharmaceutique nationale pour le secteur de la santé humaine. La revue a noté l´existence d´une agence nationale de régulation pharmaceutique, avec un système d'enregistrement, de surveillance, d'approvisionnement et de distribution de médicaments des antimicrobiens dans le secteur de la santé humaine. Cependant, on note une absence des directives et textes règlementaires concernant la gestion des antimicrobiens, une non restriction de points vente des antimicrobiens, une circulation importantes d´antimicrobiens falsifiés et des études qui montrent une utilisation non appropriée des antimicrobiens. Des recommandations visant à renforcer la politique et la réglementation pharmaceutique de la gestion des antimicrobiens pour promouvoir une utilisation appropriée ont été suggérées.

 

Conclusion: cette revue a révélé l'absence d'une réglementation nationale spécifique pour une gestion efficace de la RAM. Malgré le développement d'un plan stratégique sur la RAM pour la période 2017-2020 dans le cadre de l'approche "Une seule santé", des politiques et des lois et des lignes directrices sont nécessaires pour renforcer l´optimisation de la gestion des antimicrobiens au Burkina Faso.


Introduction: antimicrobial resistance is one of the most serious public health problems in the world. This is emphasized by an inappropriate use of antimicrobials. The purpose of this study is to review the policy and regulatory framework for optimized use of antimicrobial agents in Burkina Faso. Methods: we carried out a documentary review of the regulatory framework for antimicrobial use in humans. WHO Benchmarks for International Health Regulations (IHR) Capacities and the Joint External Evaluation were used. Results: this review showed the involvement of several departments of the Ministry of Health in antimicrobial resistance management and in optimized use of human antimicrobial agents. It also highlighted Burkina Faso approaches to regulate drug use based on the national pharmaceutical regulation. This review notes the existence of a National Pharmaceutical Regulatory Agency, with a recording system for the monitoring, supply and distribution of human antimicrobial drugs. However we reported a lack of guidelines and regulatory texts with respect to the use of antimicrobial agents, a lack of restriction on the sale of antimicrobial drugs, extensive distribution of counterfeit drugs and of studies showing inappropriate use of antimicrobial drugs. Recommendations to strengthen antimicrobial drug policy and pharmaceutical regulation in order to promote appropriate use of antimicrobial drugs were suggested. Conclusion: this review highlights the absence of specific national rules for an effective management of antimicrobial resistance. Despite the development of a strategic plan on antimicrobial resistance 2017-2020 (One Health action plan), policies, regulations and guidelines are needed to optimize antimicrobial use in Burkina Faso.

Key words: antimicrobial resistance, antimicrobial agent use, regulatory framework

 

 

Introduction    Down

La résistance aux antimicrobiens est l'un des plus graves problèmes de santé publique mondiaux. L'émergence de la résistance aux antimicrobiens est un phénomène naturel résultant de l'utilisation de ces médicaments, mais elle est accélérée par une utilisation inappropriée [1]. L'augmentation de la consommation s'accompagne d'une augmentation des niveaux de résistance. Selon L'organisation Mondiale de la Santé, seule la moitié des antimicrobiens sont consommés par l'homme. Le reste est principalement ajouté à la nourriture des animaux (porcs et volailles en particulier) pour le traitement de masse des maladies infectieuses ou pour favoriser la croissance [2]. Dans de nombreux pays en développement, les antimicrobiens sont achetés directement sur le lieu de vente des médicaments, sans ordonnance ni avis d'un professionnel de santé qualifié [3]. Les causes de cette utilisation irrationnelle sont notamment l'insuffisance des connaissances, des compétences ou des informations indépendantes, l'absence de restrictions sur la disponibilité des médicaments, la promotion inappropriée des médicaments et les motifs de profit pour leur vente [4]. Les infections respiratoires non tuberculeuses constituent le deuxième motif de consultation et la deuxième cause de décès après le paludisme dans les formations sanitaires de base au Burkina Faso, soit 7 018 769 cas. Elles représentaient 31 697 cas d´hospitalisation et étaient responsables de 998 décès au niveau hospitalier en 2018 [5]. Les bactéries les plus fréquemment retrouvées étaient : Klebsiella pneumoniae, Streptococcus pneumoniae et Staphylococcus aureus [6]. La régulation des activités de tous les acteurs impliqués dans l'utilisation des médicaments est essentielle pour garantir une utilisation rationnelle [7, 8]. Pour que la réglementation soit efficace, elle doit être appliquée et l'organisme de réglementation doit être financé et soutenu de manière adéquate par le gouvernement. Dans le cadre de la maîtrise de la résistance aux antimicrobiens dans le contexte de l'utilisation inappropriée des antimicrobiens au Burkina Faso [9]. Nous avons réalisé une revue de la politique et du cadre réglementaire de la gestion des antimicrobiens afin de déterminer les lacunes pour une meilleure planification du contrôle des antimicrobiens.

 

 

Méthodes Up    Down

Type d'étude

Il s'agissait d'une étude transversale, une revue documentaire des politiques de gestion et du cadre réglementaire des antimicrobiens au Burkina Faso. L'objectif était de décrire les politiques et le cadre réglementaire actuel pour la gestion efficace des antimicrobiens et d'identifier les lacunes et les faiblesses. Les critères de référence de Lorganisation Mondiale de la Santé pour les capacités du règlement sanitaire international et l'outil d'évaluation externe conjointe ont été utilisés pour cette revue notamment, le Benchmarks for International Health Regulations Capacities Tools [7, 10].

Cadre de l'étude

Cette revue a été réalisée au Burkina Faso. La politique pharmaceutique ainsi que le système de régulation pharmaceutique nous ont servi de cadre d´étude.

Technique et outils de collecte

La revue de la politique et du cadre réglementaire de l´optimisation de la gestion des antimicrobiens a été réalisée afin de mieux comprendre la structure et le fonctionnement des politiques pharmaceutiques et du système réglementaire du secteur pharmaceutique au Burkina Faso. La revue a été menée en deux phases. Au cours de la première phase, une analyse documentaire des documents clés a été réalisée. La deuxième phase a consisté à mener des entretiens avec les principales parties prenantes des politiques de la réglementation pharmaceutique afin de clarifier les preuves recueillies sur les politiques, la législation, les règlements et les directives disponibles et pertinents. Une grille de collecte a été utilisée pour évaluer les politiques et l'environnement réglementaire pour la gestion rationnelle des antimicrobiens. Cette grille comprenait les aspects réglementaires de l'enregistrement des produits de santé, l'octroi de licences pharmaceutiques, l'inspection pharmaceutique, la surveillance du marché, la pharmacovigilance, les politiques et les lignes directrices pour la gestion efficace des antimicrobiens. L´analyse du contenu a été appliquée aux observations et aux résultats identifiés.

Considérations éthiques et réglementaires

Notre étude a été menée en prenant en compte les considérations éthiques et avait obtenu un avis favorable du Comité d´Ethique pour la recherche en Santé du Burkina Faso. Avant le déroulement de la collecte, nous avons obtenu une autorisation officielle pour la réalisation de la revue. Pour ce qui concerne les interviews, l´anonymat a été assuré.

 

 

Résultats Up    Down

Politiques et lignes directrices de la gestion des antimicrobiens

Le Burkina Faso s´est engagé résolument dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens par l´adoption de son plan d´action multisectorielle 2017-2020. Une étude menée en 2016 et le rapport de la surveillance de la résistance aux laboratoires en 2018 montrait déjà des niveaux de résistance élevés de certains germes (E. Coli) pour les antibiotiques couramment utilisés [11]. Pour contribuer à réduire ces résistances, un guide pratique pour la bonne prescription des antibiotiques a été élaboré en collaboration avec les différents acteurs dans le système de santé. Ce guide se voulait être un référentiel national pour harmoniser la prise en charge des patients dans les formations sanitaires, un outil de prescription rationnelle des antibiotiques et un guide de formation continue pour les professionnels de santé. Plusieurs départements ministériels étaient impliqués dans l´optimisation du bon usage des antimicrobiens dans le cadre de l´approche One Health. Il s´agissait du ministère en charge des ressources animales, du ministère en charge de la santé, du ministère en charge de l´agriculture et du ministère en charge de l´environnement [12].

L'usage rationnel des médicaments est un axe important de la politique pharmaceutique du Burkina Faso et cette promotion utilise les outils suivants [13]: 1) La liste nationale des médicaments essentiels qui est régulièrement révisée, la dernière révision de 2020 est intervenue à la suite de celle de 2016 et un focus a été mis sur la nouvelle classification des antibiotiques de l´Organisation Mondiale de la Santé, développée en 2017 et dénommée par son sigle en anglais AWaRe (Access, Watch, Reserve) : Accès, surveillance, réserve. L´objectif de cette classification est de réduire le recours aux antibiotiques figurant dans les groupes Surveillance et Réserve qui sont les plus essentiels pour la médecine humaine et présentant un risque plus élevé de résistance et d´accroître le recours aux antibiotiques de la catégorie Accès. 2) Le formulaire thérapeutique national, qui décrit les modalités d'utilisation de tous les médicaments de la liste nationale des médicaments essentiels, a été révisé en 2018. 3) Le Guide de Diagnostic et de Traitement) qui guide les prescripteurs dans leur choix thérapeutique ; la dernière version du Guide de Diagnostic et de Traitement date de 2008. Il manque une mise à jour plus régulière de cet outil, qui devrait rapidement intégrer les modifications des directives de traitement standard des programmes du ministère de la santé. 4) Pour contribuer à réduire ces résistances, un guide pratique pour la bonne prescription des antibiotiques a été élaboré en collaboration avec les différents acteurs du système de santé. Ce guide se veut être un référentiel national pour harmoniser la prise en charge des patients dans les formations sanitaires, un outil de prescription rationnelle des antibiotiques et un guide de formation continue pour les professionnels de santé.

Le cadre réglementaire et institutionnel de l'usage rationnel a été renforcé par la création de l´agence Nationale de Régulation Pharmaceutique par le décret n° 2018-0861/PRES/PM/MINEFID/MS. L´agence Nationale de Régulation Pharmaceutique est un établissement public de santé doté de la personnalité morale et de l'autonomie administrative. Elle regroupe et coordonne l'exécution de toutes les missions de régulation du secteur pharmaceutique au Burkina Faso [14]. Cependant, la gestion des antimicrobiens, la prévention et la surveillance de la résistance aux antimicrobiens ne faisaient pas l'objet de textes juridiques spécifiques. Les antimicrobiens appartiennent à la liste "I" de la classification des substances vénéneuses et sont soumis à des règles de prescription et de dispensation. Certaines directives nationales prévoient des dérogations à ces règles. C'est le cas de la délivrance sans prescription de médicaments antipaludiques et la distribution communautaire de l'amoxicilline dans la prise en charge des infections respiratoires aigües.

Autorisation de mise sur le marché, licences et inspection

Autorisation de mise sur le marché

Selon le Code de santé publique, tout produit de santé qui doit être fabriqué, importé, détenu, distribué et dispensé au Burkina Faso doit d'abord faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministère de la Santé [15]. L´autorisation de mise sur le marché s'effectue par le biais d'un processus d'évaluation minutieux des dossiers qui rassemble toutes les données administratives et techniques sur le médicament. Elle permet ainsi à l'autorité réglementaire de contrôler ultérieurement l'importation et la distribution des médicaments qui ont fait l'objet d'une évaluation. Les dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché sont évalués par des experts. Un avis est ensuite donné par une commission technique pour l'enregistrement des médicaments et autres produits pharmaceutiques. Lorsque cet avis est favorable, le ministère de la santé autorise la mise sur le marché du produit par arrêté. Par dérogation, les produits de santé qui n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) au Burkina Faso, mais qui sont jugés utiles pour la santé publique ou indispensables aux services de santé spécialisés pour la prise en charge des patients sous leur responsabilité directe, peuvent être soumis à une autorisation spéciale d'importation pour une durée limitée [16, 17].

Licences pharmaceutiques

La création et l'ouverture d'un établissement pharmaceutique et assimilé ainsi que l'exercice de la profession de pharmacien sont soumis à l'obtention de licences délivrées par le ministère de la santé par l'intermédiaire de l'Agence Nationale de Régulation Pharmaceutique. Il existe trois types de licences au Burkina Faso [18]: 1) les licences pour la création et l'ouverture d'établissements pharmaceutiques (officines pharmaceutiques privés, pharmacies hospitalières, grossistes en produits pharmaceutiques et entrepôts pharmaceutiques privés). 2) Licences pour l'ouverture et le fonctionnement d'agences de promotion, d'un laboratoire d'analyses de biologie médicale. 3) Licences d'exercice de la profession de visiteurs médicaux (représentant de firmes pharmaceutiques) et guérisseur traditionnel (tradipraticiens). Ces licences pharmaceutiques permettent aux candidats d'exercer leur profession dans le respect des textes en vigueur. L'Agence nationale de réglementation pharmaceutique fait office de secrétariat technique du ministère de la santé pour l'examen des demandes et émet un avis sur l'octroi des licences. Les licences d'exercice sont accordées aux délégués médicaux et aux praticiens de santé traditionnels.

Inspection pharmaceutique

L'inspection pharmaceutique est effectuée par l'Agence Nationale de régulation pharmaceutique. Cette inspection concerne les établissements pharmaceutiques (fabricants, importateurs, grossistes, etc) et des laboratoires biomédicaux, la réalisation d'enquêtes de routine et ciblées ; à l'examen et à l'utilisation d'outils d'inspection normalisés. En matière d´inspection pharmaceutique, l´Autorité Nationale de Réglementation Pharmaceutique (ANRP) est chargé de veiller à l'application des règlements et des normes dans les domaines de la pharmacie, de la biologie médicale et de la médecine traditionnelle et de la pharmacopée par l'inspection des établissements pharmaceutiques, des laboratoires d'analyse de biologie médicale, des établissements de médecine traditionnelle et de la pharmacopée et des sites d'essais cliniques [14]. Des opérations sont menées par l'ANRP pour détecter la vente illégale de médicaments en liaison avec les services de répression. En 2019, le 9 février, l'ARNP a organisé, en collaboration avec la police, la gendarmerie, la douane et la justice, une répression du trafic de médicaments falsifiés. Cette opération appelée HEERA 2 a permis la saisie d'environ 28 tonnes de médicaments falsifiés dans la ville de Ouagadougou. En 2013, au cours de l'Opération Epic à Ouagadougou, de l'amoxicilline (8 600 capsules), de la Ciprofloxacine (10 250 comprimés) et du Métronidazole (4 460 comprimés) ont été saisis. En 2011, des antimicrobiens ont été saisis lors d'une opération appelée "Opération Cobra" à Ouagadougou, où deux tonnes de médicaments ont été saisies, notamment de l'Amoxicilline, de la Ciprofloxacine, de la Nor-floxacine, de l'Azithromycine, de la Céfalexine, de la chlorotétracycline et du Cotrimoxazole (25% de la quantité saisie) [12].

Surveillance post-marché et pharmacovigilance

Surveillance post-marché

Contrôle des importations : le Burkina Faso importe presque tous ses médicaments et autres produits de santé de sources étrangères [13]. La fonction de contrôle des importations est donc essentielle pour surveiller l'afflux de médicaments dans le pays. Le contrôle aux points d'entrée aux frontières est effectué par les services douaniers en collaboration avec l'ANRP et le Laboratoire national de santé publique. Toutes les factures des produits de santé sont transmises à l'ANRP afin de vérifier leur inscription au registre national des produits ou l'existence d'une autorisation spéciale d'importation. L'autorisation d'importation délivrée par l'ANRP permet également à un importateur autorisé d'être exonéré des droits de douane. Toutefois, le contrôle des importations est insuffisant pour les raisons suivantes : accès au registre national des médicaments pour vérifier le statut de l'enregistrement ; le registre n'est pas diffusé au public ; il n'y a pas de pharmaciens ou de techniciens déployés aux postes frontières et il n'est pas rare que des médicaments soient importés dans le pays sans autorisation de l'ANRP. Il est donc difficile de contrôler le volume des importations d'antimicrobiens au Burkina Faso.

Contrôle de la qualité après la mise sur le marché : les tests en laboratoire des médicaments sont coordonnés par l'ARNP, qui effectue des prélèvements à différents niveaux de la chaîne de distribution pharmaceutique et fait vérifier leur conformité au Laboratoire National de Santé Publique (LNSP) ou dans des laboratoires internationaux certifiés, selon les sources de financement. En effet, certains donateurs exigent une préqualification ou une accréditation de l'OMS selon la norme ISO : 17025 pour la réalisation du contrôle de qualité des produits dont ils financent l'achat. Les procédures de surveillance et de contrôle du marché mises en place par l'ANRP consistent à organiser tous les six mois des contrôles de qualité post-commercialisation des médicaments et autres produits de santé dans tous les établissements pharmaceutiques, hôpitaux et établissements de santé du pays, le but de ce contrôle étant de vérifier la conformité ou la non-conformité de ces produits aux spécifications standard [13].

Il est également nécessaire de mentionner les faibles ressources financières consacrées au contrôle de la qualité et aux tests de laboratoire, qui ont des coûts de fonctionnement élevés ; ce qui se traduit par de très faibles quantités d'échantillons prélevés et analysés. Enfin, les compétences techniques et les capacités de détection des produits de santé non-conformes et falsifiés sont insuffisantes à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement en médicaments par rapport à l'ampleur du phénomène observé au niveau mondial.

Pharmacovigilance

Au Burkina Faso, l'ANRP est l'organisme responsable de la pharmacovigilance. L'organisation de la pharmacovigilance est intégrée dans un système national global de surveillance des effets indésirables des produits de santé. Le but de ce système national de vigilance des produits de santé est de surveiller les effets indésirables et les événements liés à l'utilisation des produits de santé à usage humain, dans le but de garantir leur utilisation en toute sécurité. Elle met en œuvre et coordonne le système national de surveillance des effets indésirables des produits de santé. Cette surveillance est effectuée par le biais d'une base de données internationale appelée "base de données VigiFlow". Ce système de vigilance permet de gérer les problèmes liés à la sécurité et à la qualité des médicaments, y compris la gestion des retraits de lots défectueux. Des fiches de notification des effets indésirables sont disponibles, et une procédure de notification a été mise en place. En 2019, 5 des 12 alertes reçues par la commission de pharmacovigilance concernaient des antimicrobiens : sulfadoxine-pyriméthamine et amodiaquine, praziquantel, Dolutegravir, Artemether+ Lumefantrine et fluoroquinolone utilisée en automédication. Toutefois, les lacunes dans les informations communiquées ne facilitent pas la détection des médicaments falsifiés. En outre, le système rencontre d'autres difficultés liées à l'insuffisance des déclarations par les travailleurs de la santé, au manque de sensibilisation de la population sur la déclaration des incidents liés aux produits de santé.

Prescription, délivrance et utilisation des antimicrobiens

Les données sur l'utilisation des antimicrobiens par les patients au Burkina Faso ne sont pas connues. Toutefois, les statistiques annuelles disponibles sur les importations donnent une idée de l'ampleur de l'utilisation des antimicrobiens. En 2015, le Burkina Faso a importé des antimicrobiens à hauteur de 52,797 milliards de F CFA, soit près de 50% du volume financier total des importations pharmaceutiques. Les médicaments antibactériens et antiparasitaires représentaient respectivement 17,984 milliards et 13,894 milliards de ces importations [12]. En ce qui concerne les restrictions sur la vente d'antimicrobiens au point de vente, il n'y a pas de textes spécifiques. Des études ont été menées sur l'utilisation, la distribution et la prescription d'antibiotiques dans les services de santé. Une étude de l´utilisation des antibiotiques dans 5 hôpitaux menée en juillet 2020 a montré que 85,83% des malades hospitalisés ont reçus au moins un antibiotique au cours de leur séjour [19]. Une étude réalisée en 1999 sur 2040 femmes hospitalisées dans le service de gynécologie-obstétrique d'un hôpital de Ouagadougou, 1733 avaient reçu une prescription d'antibiotiques, soit un taux de prescription de 85% et de 15,8% pour les nouveau-nés (156/1014). Tous les patients hospitalisés ont reçu un premier traitement antibiotique pour suspicion et ont été modifiés une première fois dans 95,9% des cas, puis une seconde fois dans 24,1% des cas. Enfin, 2,5% des patients ont subi une troisième modification. Sur les 276 indications d'une antibiothérapie curative, 45 (16,3%) ont subi un examen bactériologique, dont la plupart a été effectuée après les premières prescriptions d'antibiotiques [12]. L'évaluation de l'usage rationnel des médicaments réalisée en 2015 par la direction générale de la pharmacie, des médicaments et des laboratoires montre que sur 1011 prescriptions, 53,91% contiennent au moins un antibiotique. Elle montre également une forte utilisation des antibiotiques chez les enfants de moins de 5 ans dans les gastro-entérites et les maladies des voies respiratoires supérieures [20].

En 2016, dans le cadre de la mise en œuvre de la gratuité des soins de santé au Burkina Faso, une étude menée à Ouagadougou a montré que parmi les enfants de 0 à 5 ans en consultation externe, 83% des prescriptions contenaient au moins un antibiotique. Ce pourcentage de prescriptions d'antibiotiques était supérieur à la norme de l'OMS (≤ 30%). Les statistiques sanitaires de la région centrale en 2016 et 2017, ont montré que les infections bactériennes étaient inférieures à 30% des consultations externes chez les enfants. Cette étude a montré que les prescripteurs des centres de santé de premier niveau ne tiennent pas compte de leur diagnostic avant de prescrire des antibiotiques aux enfants de 0 à 5 ans [9].

 

 

Discussion Up    Down

Cette revue a concerné le cadre règlementaire de l´optimisation de l´utilisation des antimicrobiens au niveau de la santé humaine au Burkina Faso. La revue axée sur les indicateurs des politiques et du cadre réglementaire a révélé que le Burkina Faso a une politique pharmaceutique nationale dans laquelle l'utilisation rationnelle des médicaments est un point très important. Il existe également des textes réglementaires et des directives thérapeutiques pour le bon usage des médicaments, mais en ce qui concerne spécifiquement le bon usage des antimicrobiens, il n'existe pas de guide d'orientation ou de plan stratégique en conséquence. L'absence de telles orientations ne permet pas aux structures de coordination de promouvoir l'utilisation rationnelle des antimicrobiens, ce qui pourrait justifier une utilisation inappropriée et inadéquate des antimicrobiens dans les hôpitaux, les centres de santé et en milieu communautaire [7, 8, 21]. Cette évaluation rapide a également révélé des lacunes dans la réglementation relative aux autorisations de mise sur le marché (AMM), à l'octroi de licences et aux inspections, dans le retrait des autorisations de mise sur le marché et l'absence de réglementation régissant les sanctions.

Cette insuffisance pourrait s'expliquer par le fait que, formellement, les missions réglementaires du secteur pharmaceutique n'étaient pas coordonnées par une structure unique dotée d'une autonomie financière et juridique. En l'état actuel des choses avec la mise en place de l'Agence Nationale de Régulation Pharmaceutique, celle-ci jouera son rôle pour une meilleures promotion de l´utilisation des antimicrobiens. La réglementation des activités de tous les acteurs impliqués dans l'utilisation des médicaments est essentielle pour garantir une utilisation rationnelle et appropriée des antimicrobiens. Pour que la réglementation soit efficace, elle doit être appliquée et l'organisme de réglementation doit être suffisamment financé et soutenu par l´autorité judiciaire [18].

Depuis une dizaine d'années, la prescription de médicaments essentiels génériques conformément à la liste nationale des médicaments essentiels est devenue presque systématique dans les établissements de santé de premier niveau. Cependant, au niveau des hôpitaux, l'absence d'un comité des médicaments et d'outils normatifs pour l'utilisation rationnelle est préjudiciable aux pratiques rationnelles de prescription et de délivrance [13]. Le mauvais usage des médicaments, notamment des antimicrobiens, peut s'expliquer par l'absence de plan stratégique pour la gestion rationnelle des antimicrobiens, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la résistance aux antimicrobiens [3].

Suggestions

1) Rendre opérationnelle la commission technique thématique sur les antimicrobiens (CTA-RAM) et ses sous-commissions, au sein desquelles les questions spécifiques des secteurs peuvent être examinées de manière appropriée. 2) Élaborer un plan opérationnel sectoriel pour l'utilisation appropriée des antimicrobiens. 3) Renforcer la surveillance des importations d'antimicrobiens pour contrôler la quantité de médicaments importés. 4) Renforcer la surveillance de l'utilisation, de la prescription et de la consommation d'antimicrobiens afin d'éviter les abus et la contrebande de médicaments à l'intérieur et à l'extérieur du pays. 5) Élaborer et diffuser des documents d'information, d'éducation et de communication sur la résistance aux médicaments et leur utilisation. 6) Développer un cadre réglementaire national pour une utilisation appropriée d'antimicrobiens abordables et de qualité garantie chez l'homme. 7) Élaborer et promulguer des lois et des règlements sur l'importation, l'autorisation de mise sur le marché, la production et l'utilisation d'antimicrobiens. 8) Élaborer un plan d'action national multisectoriel du bon usage des antimicrobiens.

 

 

Conclusion Up    Down

L'aspect réglementaire de la gestion des antimicrobiens est un axe stratégique très important pour endiguer l'émergence de la résistance aux antimicrobiens. Cette évaluation a montré l'implication de plusieurs départements gouvernementaux dans la gestion de la résistance aux antimicrobiens et la gestion des antimicrobiens. L'existence d'un système d'enregistrement, de surveillance, d'approvisionnement et de distribution de médicaments au niveau de la santé humaine a été mise en évidence ainsi que la conduite d'inspections des établissements pharmaceutiques. Cependant, il a été noté en particulier qu'il y avait une lacune dans la réglementation de la gestion des antimicrobiens. Parmi ces déficiences, on peut mentionner l'absence d'une politique et d'un système de réglementation appropriés pour le secteur. Il est probable que la création d'une Agence Nationale De Réglementation pharmaceutique (ANRP) donne une bonne perspective pour une meilleure transformation de la situation de la réglementation du secteur pharmaceutique.

Etat des connaissances actuelles sur le sujet

  • Utilisation inappropriée des antimicrobiens au niveau de la santé humaine ;
  • Les antimicrobiens sont ajoutés à la nourriture des animaux (porcs et volailles) pour le traitement de masse ou pour favoriser la croissance ;
  • L'augmentation de la résistance aux antimicrobiens.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Les insuffisances de la régulation du bon usage des antimicrobiens ;
  • La promotion d´une approche holistique du bon usage des antimicrobiens.

 

 

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d´intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont lu et approuvé le manuscrit final.

 

 

Références Up    Down

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