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Gestion des déchets solides ménagers au regard des risques sanitaires et environnementaux: étude transversale dans la zone de santé de Kindu

Gestion des déchets solides ménagers au regard des risques sanitaires et environnementaux: étude transversale dans la zone de santé de Kindu

Household solid waste management in relation to health and environmental risks: a cross-sectional study in the Kindu health zone

Laurent Omari Masudi1,&, Bernoulli Amuri Lukamba1, Henry Mata Kimbembe1, Lea Masumbuko Tembea1

 

1Département de Santé et Environnement, Ecole de Santé Publique de Kinshasa, Université de Kinshasa, Kinshasa, République Démocratique du Congo

 

 

&Auteur correspondant
Laurent Omari Masudi, Département de Santé et Environnement, Ecole de Santé Publique de Kinshasa, Université de Kinshasa, Kinshasa, République Démocratique du Congo

 

 

Résumé

Introduction: la zone de santé de Kindu vit dans une insalubrité inquiétante, liée à une gestion inadéquate et non coordonnée des déchets solides ménagers. Cette situation constitue un risque majeur pour la santé publique et l'environnement. Cette étude vise à évaluer les pratiques de gestion des déchets au sein des ménages et leur perception des risques associés.

 

Méthodes: une étude transversale descriptive a été menée en avril 2024 auprès de 400 ménages sélectionnés aléatoirement dans la zone de santé de Kindu, selon un échantillonnage probabiliste à quatre degrés. Les participants étaient responsables de la gestion des déchets ménagers. Les données ont été recueillies à l'aide d'un questionnaire structuré, administré par interview directe sur tablette après pré-test. Une analyse statistique descriptive sur SPSS 26,0 a été réalisée pour déterminer les fréquences, pourcentages, les moyennes avec leur écart-types au seuil de signification de 5%.

 

Résultats: notre travail a porté sur 400 ménages. L'âge moyen des enquêtés était de 43,2 ans avec un écart-type de 12,1 ans. La proportion d'hommes était de 66,8%. Si 67,7% d'enquêtés utilisaient des poubelles, 32,3% n'en disposaient pas. Le tri des déchets était absent chez 99,2% des répondants. Pour l'élimination, 28,1% jetaient les déchets dans les rues, rivières ou caniveaux, 24,1% les accumulaient dans leur concession, et 22,3% les brûlaient. D'autres méthodes incluaient les dépotoirs sauvages, l'enfouissement ou les décharges contrôlées. Concernant les causes perçues de cette mauvaise gestion: 51,3% ont cité le comportement irresponsable, 23,8% la pauvreté, 12,8% la construction anarchique et 12% l'absence d'infrastructures.

 

Conclusion: la gestion des déchets ménagers à Kindu est déficiente en raison de pratiques inadaptées, de l'absence de tri et du manque d'implication des services publics. Bien que les habitants soient conscients des risques, cette conscience n'induit pas de comportements adéquats. Des campagnes de sensibilisation et l'amélioration des infrastructures sont nécessaires pour une gestion durable.


Introduction: the Kindu health zone is experiencing alarming unsanitary conditions as a result of inadequate and uncoordinated solid household waste management. This situation poses major risks to both public health and the environment. This study aimed to assess household waste management practices and perceptions of the associated risks. Methods: we conducted a descriptive cross-sectional study in April 2024 among 400 randomly selected households in the Kindu Health Zone, using a four-stage probabilistic sampling method. Respondents were those responsible for household waste management. Data were collected using a structured questionnaire, administered via direct tablet-based interviews after pre-testing. Descriptive statistical analyses were performed with SPSS 26.0 to generate frequencies, percentages, and means with standard deviations at a 5% significance level. Results: a total of 400 households were surveyed. The average age of respondents was 43.2 years with a standard deviation of 12.1 years, and 66.8% were men. While 67.7% reported using waste bins, 32.3% did not. Waste sorting was not practiced by 99.2% of respondents. Regarding disposal methods, 28.1% reported discarding waste in streets, rivers, or gutters; 24.1% accumulated it on their premises and 22.3% resorted to burning. Other methods included illegal dumpsites, burial, or controlled landfills. Perceived causes of poor waste management included irresponsible behavior (51.3%), poverty (23.8%), unplanned construction (12.8%), and lack of infrastructure (12%). Conclusion: household waste management in Kindu is deficient due to inappropriate practices, the absence of sorting, and limited involvement of public services. Although residents are aware of the risks, this awareness does not translate into appropriate behaviors. Awareness campaigns and improved infrastructure are essential for sustainable management.

Key words: Waste management, household solid waste, health and environmental risks, Kindu health zone

 

 

Introduction    Down

La gestion des déchets solides ménagers est un défi majeur pour les villes du monde, en raison d'une urbanisation rapide et mal maîtrisée [1]. Elle est influencée par la croissance démographique, l'industrialisation et les changements de modes de vie [2]. En Afrique subsaharienne, cette problématique est aggravée par des ressources limitées, une urbanisation non contrôlée et des services publics souvent inefficaces [2]. Les municipalités, avec des budgets restreints, peinent à gérer l'augmentation des déchets, provoquant l'apparition de nombreuses décharges sauvages [3].

Dans les pays du Sud, l'urbanisation non maîtrisée et la croissance démographique rapide entraînent une production accrue de déchets solides ménagers (DSM) [4]. L'absence d'infrastructures adéquates et le faible taux de collecte, dus notamment à la pauvreté, favorisent les dépôts sauvages [5]. Plus de 70% des déchets y sont abandonnés à ciel ouvert [6], ce qui dégrade l'environnement, affecte la qualité de vie et augmente les risques sanitaires [7]. Malgré certaines initiatives, la gestion reste largement inefficace [8].

En République Démocratique du Congo (RDC), la situation est particulièrement préoccupante. Les déchets abandonnés polluent les eaux, bouchent les canalisations, attirent les nuisibles et favorisent la propagation de maladies telles que le choléra, la typhoïde ou les infections diarrhéiques [9]. Les sacs plastiques obstruent les caniveaux et nuisent au bétail [10]. À Kinshasa et dans d'autres villes, les actions d'assainissement sont limitées par un manque de planification et un engagement insuffisant des autorités [11]. À Kindu, il n'existe pas de système structuré de gestion des DSM répondant à la croissance de la ville. Faute d'infrastructures, les ménages gèrent eux-mêmes leurs déchets, entraînant la multiplication de dépôts non contrôlés près des habitations, dans les vallées ou le long des routes, avec de lourdes conséquences sanitaires et environnementales [12].

Cette étude se justifie par le besoin de documenter les pratiques locales de gestion des DSM et à évaluer la perception des risques associés. Elle est pertinente pour la santé publique, car elle peut contribuer à limiter les maladies liées à l'environnement. L'objectif général est d'analyser les pratiques des ménages de la zone de santé de Kindu en matière de gestion des DSM et leur perception des risques, afin de proposer un système plus efficace et durable.

 

 

Méthodes Up    Down

Conception et cadre d'étude

Il s'agit d'une étude transversale à visée descriptive, réalisée au mois de mars 2024, permettant de dresser un état des lieux des pratiques de gestion des déchets au sein des ménages ainsi que la perception des ménages sur les risques sanitaires et environnementaux qui y sont associés. Elle a eu lieu dans la zone de santé de Kindu, située dans la ville du même nom, province du Maniema en République Démocratique du Congo. Cette zone de santé couvre 2 communes (Kasuku et Mikelenge) parmi les 3 que compte la ville de Kindu. Elle a une superficie de 78 km². Elle est bordée par les zones de santé d'Alunguli et Kailo et comprend 11 aires de santé. Sa population est estimée à 331575 habitants.

Population d'étude

La population de notre étude était constituée de tous les habitants résidant dans les ménages de la zone de santé de Kindu. Les ménages de cette zone étaient considérés comme unités statistiques en tant qu'acteurs directs de la production et de la gestion des déchets solides ménagers. Les critères d'inclusion étaient: être habitant et résident dans la zone de santé de Kindu, appartenir au ménage sélectionné, être la personne responsable de la gestion des déchets dans le ménage, et accepter de répondre aux questions d'enquête. Par contre, étaient exclues toutes les personnes remplissant ces critères mais présentant une déficience mentale ou se trouvant en état d'ébriété au moment de l'enquête. La taille de l'échantillon était estimée à l'aide de la formule de Schwartz pour les études descriptives: n = (Z² x p x q)/d² avec Z = 1,96 (niveau de confiance de 95%), p= 0,50 (en l'absence de données spécifiques), q= 1 - p = 0,50 et d = 0,05 (marge d'erreur tolérée), ce qui donne n= ((1,96)² x 0,50 x 0,50)/(0,05)² = 384. En tenant compte de 5% de non-réponses ou de refus, la taille finale de l'échantillon était portée à 400 ménages.

Un échantillonnage probabiliste à quatre degrés était utilisé: au premier degré, une zone de santé était sélectionnée par tirage aléatoire simple à l'aide de la fonction « alea entre bornes » d'Excel parmi les deux zones de santé de la ville de Kindu; au deuxième degré, quatre aires de santé était tirées aléatoirement parmi toutes celles de la zone de santé sélectionnée; au troisième degré, cinq avenues était choisies par aire de santé selon le même principe; enfin, au quatrième degré, les ménages était sélectionnés de manière systématique, en tenant compte du poids démographique de chaque avenue, sur la base d'un relevé parcellaire réalisé par les enquêteurs, avec calcul d'un pas de sondage spécifique pour chaque avenue.

Collecte de données

Nous avons interrogé un échantillon aléatoire de 400 ménages de la zone de santé de Kindu à l'aide d'un questionnaire structuré, testé au préalable sur 20 ménages. La collecte des données était effectuée via l'application KoboCollect sur tablette, en utilisant la technique de l'interview directe. En cas de parcelle avec plusieurs ménages, un tirage au sort était réalisé avec l'accord du propriétaire de la parcelle. L'enquêté ciblée était le chef de ménage ou son/sa conjoint(e). Cinq enquêteurs formés pendant trois jours avaient assuré la collecte. Une supervision de la collecte pour garantir la qualité et la cohérence des réponses était réalisée pendant l'enquête. Les données étaient ensuite transférées dans Excel pour nettoyage, puis analysées sous SPSS. Les entretiens pendant la collecte se déroulaient en swahili ou en français selon le répondant.

Définition des variables

Sexe des enquêtés: c'est une catégorie d'identification qui permet de distinguer les participants de l'enquête en fonction de leur sexe biologique.

Niveau d'instruction: c'est le niveau d'études atteint par l'enquêté au moment de l'enquête.

Tranches d'âge: c'est une catégorisation des individus selon des intervalles d'âges prédéfinis.

Utilisation des poubelles pour conditionner les déchets avant leur collecte: c'est une variable qui mesure si les ménages ou les individus utilisent effectivement des poubelles pour entreposer ou conditionner leurs déchets domestiques avant qu'ils ne soient collectés.

Tri avant l'élimination des déchets: c'est une variable qui mesure si un ménage ou un individu sépare ses déchets par catégorie (plastique, papier, organique, métal, etc.) avant leur élimination ou leur collecte.

Elimination des déchets solides ménagers: c'est la méthode ou le mode utilisé par un ménage pour se débarrasser de ses déchets solides ménagers.

Difficultés liées à la gestion des déchets solides ménagers: cette variable mesure les obstacles ou problèmes rencontrés par les ménages dans le processus de gestion de leurs déchets solides domestiques, depuis la collecte jusqu'à l'élimination finale.

Utilisation des équipements de protection individuelle lors de la manipulation des déchets: c'est l'ensemble des comportements observables ou déclarés relatifs au port effectif et correct des équipements de protection individuelle (tels que gants, masques, lunettes de protection, combinaisons, chaussures de sécurité) par une personne au moment de la collecte, du tri, du transport ou de traitement des déchets, selon les protocoles de sécurité établis.

Analyse statistique

Nos données avaient subi plusieurs vérifications de qualité avant d'être intégrées dans la base finale. Après un nettoyage rigoureux, elles étaient importées dans le logiciel SPSS 26,0 pour analyse. Une analyse descriptive avait été menée pour évaluer la gestion des déchets solides ménagers à Kindu. Les statistiques utilisées incluent fréquences, moyennes et écarts-types. Toutes les analyses étaient réalisées avec un seuil de signification de 5%.

Considérations éthiques

La participation à l'enquête était volontaire, aléatoire et sans contrainte. Les enquêtés avaient donné leur consentement éclairé par écrit et pouvaient se retirer à tout moment sans conséquence. L'anonymat était garanti en excluant les noms des enquêtés dans le questionnaire. La confidentialité des informations recueillies était strictement respectée. Aucune donnée personnelle identifiable n'avait été associée aux réponses. Le Bureau du Comité d'Ethique de l'Université de Kinshasa avait approuvé le protocole et autorisé la mise en œuvre de cette étude à travers sa lettre d'Approbation N°: ESP/CE/091/2024.

 

 

Résultats Up    Down

Caractéristiques générales de la population

Selon la variable sexe 267 soit 68,8% de nos enquêtés étaient du sexe masculin et 133 soit 33,2% du sexe féminin (Tableau 1). Par rapport à la variable niveau d'instruction, 95 (soit 23,8%) d'enquêtés avaient un niveau secondaire achevé, 70 (soit 17,5%) un niveau secondaire inachevé, 60 (soit 15,0%) un niveau supérieur achevé, 51 (soit 12,8%) un niveau supérieur inachevé, (ils avaient étudié dans les instituts supérieurs), 22 (soit 5,5%) avaient achevé leurs études universitaires, 10 (soit 2,5%) avaient un cursus universitaire non achevé, 20 (soit 5,0%) avaient un niveau primaire achevé, 33 (soit 8,3%) avaient un niveau primaire inachevé et 38 (soit 9,5%) étaient sans instruction, c'est-à-dire n'avaient pas étudié. Par rapport à la variable âge des interviewés, la tranche entre 40-49 ans, 112 (soit 32,3%) interviewés étaient plus nombreux, suivi de la tranche entre 30-39 ans, 96 (soit 27,7%), puis de la tranche entre 50-59 ans, 64 (soit 18,4%). Les tranches entre 18-29 ans et 60 ans et plus avaient présenté respectivement 42 (soit 12,1%) et 33 (soit 9,5%).

Proportion des enquêtés par rapport aux pratiques actuelles de gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu

Par rapport aux pratiques actuelles de gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu, la proportion de ménages utilisant des poubelles pour conditionner leurs déchets solides ménagers avant leur collecte et élimination est plus élevée que celle qui ne les utilisent pas. Sur 400 enquêtés, 270 soit 67,7% ont affirmé qu'ils utilisent des poubelles alors que 129 enquêtés soit 32,3% ont dit qu'ils ne les utilisent pas tandis que pour le tri des déchets, 3 enquêtés soit 0,8% ont affirmé qu'ils réalisent le tri de leurs déchets avant leur élimination et 394 soit 99,2% ont dit qu'ils ne le font pas. Quant au mode d'élimination de leurs déchets solides ménagers, 112 enquêtés (soit 28,1%) ont répondu qu'ils jettent leurs déchets dans la nature en dehors de leurs parcelles (les ravins, les rivières, les caniveaux, les terrains vides du quartiers, etc), 96 enquêtés soit 24,1% les entassent à côté dans leurs parcelles, 89 enquêtés soit 22,3% les incinèrent, 24 enquêtés soit 6% les enfouissent, 25 enquêtés soit 6,3 les déposent dans un bac à ordure, 23 enquêtés soit 5,8% les jettent dans une décharge contrôlée tandis que 29 enquêtés soit 7,3% les jettent dans une décharge non contrôlée (Figure 1).

Proportion des enquêtés par rapport à leur perception sur la mauvaise gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu

Concernant la perception des enquêtés par rapport à la mauvaise gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu, 205 enquêtés (soit 51,3%) avaient admis que la mauvaise gestion des déchets solides dans la zone de santé de Kindu est liée au comportement irresponsable de la population; pour 95 enquêtés (soit 23,8%), elle est liée à la pauvreté de la population, tandis que 51 (soit 12,8%) l'avaient attribuée aux constructions anarchiques et 48 (soit 12,0%) au manque d'infrastructures de base (Figure 2).

 

 

Discussion Up    Down

Dans cette étude, notre objectif était d'étudier les pratiques et les perceptions des habitants de la zone de santé de Kindu en matière de gestion des déchets solides ménagers et sur les risques sanitaires et environnementaux qui y sont associés. Il ressort que la majorité de nos enquêtés étaient de sexe masculin (68,8%). Autour de 67,7% avaient affirmé qu'ils utilisaient des poubelles pour conditionner les déchets avant leur élimination. Autour de 99,2% parmi eux ne pratiquaient pas le tri des déchets avant leur élimination et la majorité d'entre eux (soit 28,1%) les éliminaient en les jetant dans la nature. Plus de la moitié (soit 51,3%) avaient affirmé que la mauvaise gestion des déchets solides ménagers était liée au comportement irresponsable des habitants qui est lui-même une conséquence de la faiblesse de l'autorité de l'Etat. Le nombre élevé des enquêtés du sexe masculin s'explique par le fait de la culture musulmane qui couvre une majeure partie de la province du Maniema où c'est l'homme en tant que chef du ménage qui doit accueillir le premier le visiteur et doit répondre aux préoccupations d'un visiteur inconnu. Car c'est lui le responsable du ménage. Ces résultats sont différents de ceux trouvés par Arddy et al. dans laquelle 63,5% d'enquêtés étaient de sexe féminin contre 36,4% du sexe masculin [5].

Quant à l'utilisation des poubelles pour conditionner les déchets avant leur collecte et élimination, 67,7% des enquêtés avaient affirmé qu'ils les utilisent et 32,3% ne les utilisent pas. Ceci est lié au fait que certains ménages mettent en pratique les conseils issus d'une sensibilisation faite par les médias et les autres services chargés de la salubrité dans la ville sur la gestion des déchets. Ces résultats se rapprochent de ceux trouvés par Nsindu et al. dans une étude intitulée "Impact des déchets ménagers sur l'environnement et la santé dans la périphérie de Kinshasa, RDC" où 78% des enquêtés utilisent des poubelles pour stocker leurs déchets ménagers et 22% n'utilisent pas [9]. Par rapport au tri, 99,2% des enquêtés avaient affirmé qu'ils ne pratiquent pas le tri de leurs déchets avant leur collecte et élimination tandis que 0,8% seulement avaient affirmé le contraire. Ces résultats se rapprochent de ceux de Arddy et al. [5] et ceux trouvés par Nsindu et al. [9]. Ceci s'explique par le manque d'infrastructures de base de gestion des déchets ménagers solides et le manque de temps et d'intérêt que les gens ont à trier les déchets qui, pour eux, sont destinés à être éliminés. Cette situation est également due à l'incivisme de la population. Elle est également liée au manque de culture respectueuse de l´environnement, tant naturel qu´urbain, non seulement au sein de la population mais aussi chez certaines autorités locales. Concernant l'élimination des déchets, 28,1% des enquêtés ont affirmé les jeter dans la nature en dehors de leur parcelle (rue, cour, rivière); 24,1% les entassent à proximité, dans la parcelle; 22,3% les incinèrent, etc.

Cette situation est liée à l'indiscipline de la communauté et à la faiblesse de l'autorité de l'Etat. Lorsque les gens ne sont pas poursuivis par l'Etat et ne paient aucune amende suite à la mauvaise gestion de leurs déchets, ils continueront à s'adonner à des telles pratiques inappropriées. Ces résultats se rapprochent de ceux obtenus par Nsindu et al. [9] où selon lui, la majorité de ces enquêtés ont affirmé qu'ils éliminent leurs ordures ménagères par le rejet dans la rue, dans les décharges sauvages, les ravins, espaces verts (périphériques). Tous les résultats ci-dessus révèlent des pratiques de gestion des déchets solides ménagers à Kindu qui exposent gravement la population à des risques sanitaires et environnementaux. La forte proportion d'enquêtés ne triant pas leurs déchets (99,2%) et le recours fréquent à des méthodes d'élimination inappropriées (rejets dans la rue, dans la nature ou stockage anarchique) traduisent un déficit criard d'éducation environnementale, de structures de gestion formelles, et de l'exposition aux maladies infectieuses, à la pollution de l'eau, ainsi qu'à la dégradation progressive de l'environnement urbain. Ces comportements, largement influencés par l'absence de sanctions et le manque d'alternatives accessibles aggravent la situation.

Par rapport à la perception de nos enquêtés sur la mauvaise gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu, 51,3% d'entre eux avaient affirmé que la mauvaise gestion des déchets solides ménagers est liée au comportement irresponsable des habitants; pour 23,8% elle est liée à la pauvreté de la population tandis que pour 12,8% elle est due aux constructions anarchiques et pour 12% elle est due au manque d'infrastructures de base. Le comportement irresponsable des habitants s'explique par la faiblesse de l'autorité de l'Etat qui ne propose aucune sanction à l'égard des habitants qui gèrent mal leurs déchets. Lorsque les gens qui polluent le milieu avec leurs déchets ne sont pas poursuivis et ne paient aucune amende, ils s'adonnent sans crainte à des pratiques non appropriées. La pauvreté fait que certains habitants ne sont pas à mesure de s'affilier à des organisations chargées de la collecte des déchets. Ainsi, ils s'en débarrassent eux-mêmes dans des endroits non indiqués tels que les caniveaux, les rivières, les rues, etc. Les constructions anarchiques font que certaines parcelles non habitées sont utilisées comme des décharges publiques non autorisées qui bouchent parfois le passage des eaux dans les caniveaux et provoquent ainsi des inondations.

Le fait que plus de la moitié des enquêtés attribuent la mauvaise gestion des déchets à un comportement irresponsable des habitants, et un quart à la pauvreté, souligne l'urgence d'une réponse multisectorielle. Cela implique à la fois des actions de sensibilisation ciblées, des interventions institutionnelles pour renforcer l'autorité de l'État, mais aussi la mise en place de mécanismes inclusifs de gestion communautaire adaptés aux moyens des habitants. Au Maniema, il n'y a presque pas d'infrastructures pour la gestion des déchets. C'est ce qui fait que les déchets traînent dans des quartiers, s'entassent et constituent des décharges non contrôlées qui présentent des conséquences néfastes sur l'environnement et la santé. Cette absence quasi totale d'infrastructures adaptées dans la province du Maniema appelle à une prise de conscience politique et à une mobilisation de ressources pour soutenir la création de systèmes de collecte, de tri, de valorisation et de traitement des déchets. Sans cela, la pérennisation de l'insalubrité urbaine risque de compromettre durablement la qualité de vie et la santé publique à Kindu.

Cette étude présente plusieurs forces notables qui en renforcent la pertinence et la portée. Elle aborde une problématique cruciale et actuelle de santé publique et d'environnement, en se concentrant sur un contexte local peu documenté scientifiquement, ce qui lui confère une valeur ajoutée importante pour les décideurs. Le recours à un échantillon de 400 personnes, diversifié selon le sexe, l'âge et le niveau d'instruction, renforce la représentativité des données. Toutefois, certaines limites méthodologiques sont à souligner. Le caractère transversal de l'étude empêche également d'observer l'évolution des comportements dans le temps. Par ailleurs, l'absence d'implication des acteurs institutionnels (autorités locales, services de salubrité) limite la compréhension globale des enjeux structurels de la gestion des déchets dans la zone. Enfin, le manque de données techniques sur les infrastructures de gestion des déchets réduit la portée opérationnelle des recommandations qui pourraient être formulées.

 

 

Conclusion Up    Down

Cette étude transversale menée dans la zone de santé de Kindu visait à décrire les pratiques de gestion des déchets solides ménagers et la perception des risques sanitaires et environnementaux associés. Les résultats révèlent une gestion défaillante marquée par l'absence de tri (99,2%) et des méthodes d'élimination inadéquates, comme le rejet dans la nature. Ces pratiques reflètent un déficit d'éducation environnementale, accentué par le manque d'infrastructures et la pauvreté. Plus de la moitié des ménages accusent l'irresponsabilité des habitants, et un quart évoque des causes socio-économiques. L'étude souligne l'urgence de mettre en place une stratégie intégrée combinant sensibilisation et renforcement des systèmes de gestion accessibles, afin de réduire les risques pour la santé publique et l'environnement.

Etat des connaissances sur le sujet

  • Les déchets solides ménagers sont globalement mal gérés dans la zone de santé de Kindu;
  • Les pratiques actuelles de gestion des déchets solides ménagers sont inappropriées et non hygiéniques;
  • Cette mauvaise gestion contribue à la dégradation de la santé publique et à la pollution de l'environnement.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • La mauvaise gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu est liée au comportement irresponsable des habitants de la zone de santé;
  • Le déficit d'infrastructures et l'absence de sanctions accentuent la mauvaise gestion des déchets à Kindu;
  • Une réponse intégrée portant sur une sensibilisation et une implication communautaire est essentielle pour améliorer durablement la gestion des déchets solides.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Conception et réalisation de l'étude: Henry Mata Kimbembe et Laurent Omari Masudi. Collecte de données: Laurent Omari Masudi et Lea Masumbuko Tembea. Analyse des données et révision du manuscrit: Bernoulli Amuri Lukamba, Laurent Omari Masudi et Lea Masumbuko Tembea. Supervision: Henry Mata Kimbembe. Tous les auteurs ont approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements Up    Down

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à toutes les personnes qui ont contribué à l'élaboration de cet article. Nos remerciements vont particulièrement à l'ensemble des participants pour leur engagement et leur collaboration, ainsi qu'à tous les relecteurs dont les observations pertinentes et les suggestions constructives ont permis d'améliorer la qualité scientifique de ce travail.

 

 

Tableau et figures Up    Down

Tableau 1: caractéristiques sociodémographiques des enquêtés

Figure 1: modes d'élimination des déchets solides ménagers

Figure 2: perception par rapport à la mauvaise gestion des déchets solides ménagers dans la zone de santé de Kindu

 

 

Références Up    Down

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